février 19, 2014

Kaaris, la rage dedans

Putain il est un peu plus costaud que ce que je pensais
au moment où j'ai entrepris d'écrire cet article...
Pour cet article, nous allons analyser le texte de la chanson Or noir, du rappeur Kaaris.


Non je déconne.









Héhé non je déconne pas ! 

Kaaris c'est la nouvelle dent dure du rap français, on le surnomme d'ailleurs le "nouveau Booba". Comme son père spirituel, Kaaris a les ratiches qui rayent le parquet, et ses paroles incisives font grincer les mâchoires de ses détracteurs. Oui ça peut grincer des mâchoires. D'ailleurs pensez bien à vous huiler la mâchoire régulièrement. Bref Kaaris est rentré dans le rap avec son tube Or noir comme les paluches de mon dentiste rentrent dans ma bouche : sans mon consentement. C'est pourquoi nous allons analyser cette chanson avec sérieux et, contrairement à mon dentiste, en prenant des gants et des ustensiles qui n'ont pas servi pour la petite vieille d'avant. Putain il faut vraiment que je change de dentiste.





Voici le vidéo-clip de la chanson susnommée :

Pour ceux d'entre vous qui n'ont pas envie d'écouter la chanson, qui sont sourds, ou qui n'ont pas une connexion internet rapide, ou même dans le cas où Youtube aurait coulé et que la chanson n'y soit plus disponible, ne vous inquiétez pas, nous allons reprendre chacune des paroles de cette chanson et les analyser à la volée. Le texte de la chanson est écrit en violet, pour rappeler ce qu'il m'arriverait si le chanteur ou ses proches découvraient l'existence de cet article.

Premier couplet 


« J'suis le fruit de tes entrailles, j'témoigne sur un champ de ruine »
Kaaris commence d'emblée avec une référence à la culture ancestrale française. "Le fruit de tes entrailles" faisant évidemment référence à la chanson de Daniel Balavoine, "Mon fils, ma bataille", ce qui nous évoque directement Bataille et Fontaine, et donc les fables de la Fontaine. Le message est donc très clair : cette chanson est une vraie fable des temps modernes.

« Comme un épouvantail qui éloigne les anges du deal »
Ici il est important de voir que "les anges" renvoie aux fameux "Anges de la téléréalité", donc à Nabilla. "Eloigner les anges du deal" dénote donc une volonté de Kaaris de protéger la femme au sens littéral du terme, la femme fécondatrice, fragile et fulminante : la femme au sens julienclercien du terme. C'est un message un peu banal mais très important pour les rappeurs que celui de défendre la place du féminisme dans la société.

« Mama, je vis pas, je meurs pas »
Encore une référence latente à la culture pop, qui fait décidément de Kaaris un Andy Warhol de l'art oral, avec ce "Mama" qui n'est pas sans rappeler l'ô combien célèbre "Mama Mia" d'Abba. Comme une manière pour Kaaris de crier "Abba les préjugés !". Un message politique fort.

« S'il te plait, prie pour moi, ne pleure pas
Kaaris choisit ici de faire un ver à dix syllabes. Le chiffre dix n'est évidemment pas choisi au hasard, puisqu'il correspond exactement à 4 + le nombre de catégories différentes au Trivial Pursuit. Hommage donc à la culture, et au camembert. Une manière de montrer que Kaaris aime la France.

J'passe beaucoup de temps sur un grand nombre de petites choses et tu vois qu'les heures passent » 
Avec cette référence au discours de Sarkozy ci-dessous, Kaaris nous renseigne sur ses opinions politiques, s'affirmant, chose somme toute assez commune chez les rappeurs, comme un fervent défenseur du libéralisme à talons compensés.


« Tu m'as dit, reste près de la cour, avant de racailler, j'ai tété »
Le rappeur joue ici sur la polysémie de l'expression "la cour", pouvant à la fois être entendu comme la cour de récré, la cour du roi (rester près de la cour serait donc synonyme de rester un vassal, Kaaris inciterait-il à l'obéissance civique ?), mais aussi et surtout comme Camille Lacourt, le nageur beau gosse. C'est donc un véritable coming out que nous fait Kaaris, confirmé dans la deuxième partie du ver "avant de racailler, j'ai tété".

« – fils, ou tu vas finir dans un four à détailler de la CC »
"Détailler de la CC" signifie que Kaaris est plutôt le genre de mec qui ajoute des personnes à ses mails dans la case "CC" plutôt que de les ajouter dans la première ligne des destinataires.

« Moi j'n'ai pas écouté l'prof, moi, j'n'ai jamais fait mes devoirs »
Ici, Kaaris utilise l'ironie avec le même talent que cette baltringue de Voltaire le faisait en son temps. On imagine mal un texte aussi brillant écrit par quelqu'un qui n'a jamais fait ses devoirs.

« Et si la police me coffre, c'est que t'as eu un bébé noir Et j'ai juré d'être hardcore, jusqu'à ma mort » Anaphore en "Et", un classique mais toujours bougrement efficace.

« Tu m'as dit petit tu as tort, le monde est rempli de choses que tu ignores »
Cet alexandrin de 20 syllabes est remarquable puisqu'il a 8 syllabes de plus que les alexandrins normaux. C'est dire l'avance qu'a Kaaris sur la poésie moderne.

« Très souvent les armes y sont, mais le tueur n'y est pas Trop souvent les larmes y sont, mais le cœur n'y est pas »
Kaaris termine ce couplet d'une main de maître avec un chiasme inversé (donc pas un chiasme en fait), agrémenté d'une magnifique liaison "très souvent les larmes zy sont", qui est une référence incroyablement subtile aux fameuses Liaisons dangereuses, de Choderlos de Laclos.



Refrain



« J'n'ai qu'ma famille Pas d'amis, des ennemis  Et cette mélodie Moi j'n'ai que ma famille, pas d'amis, dans cette chienne de vie Des amis, des ennemis Et cette mélodie »
Kaaris se fend d'un sonnet en guise de refrain, comme dans les plus gros tubes de Ronsard, du Bellay et autres Malarmé. Et être mal armé, sonnet pas son genre à Kaaris ! En revisitant la forme du sonnet (constitué normalement de 14 vers), le rappeur donne un grand coup de Bellay dans le genre. Le sonnet de Kaaris ne contient en effet que 6 vers, soit à peu près autant que dans une bouteille de Badoit.


Deuxième couplet 


Le deuxième couplet est passionnant.



Conclusion


Avec Or noir, Kaaris dépeint avec une habileté poétique et prophétisante les rouages d'une société renfermée sur elle-même, comme fécondée par un soubresaut prophétisant de son propre passé. Attends non j'ai déjà utilisé prophétisant machin là. Oui donc bref, on peut même se demander si ce fameux "or noir" n'est pas le synonyme d'une apparente richesse ternie par nos démons. Peut-être même que l'or noir est ici à rapprocher de "l'ornière" que la routine a créée en nous. Ou alors l'or noir fait référence à Laure Nouaraud, qui était dans ma classe en quatrième. Bref, tant de questions que Kaaris, en laboureur de consciences, sème en nous. 
Merci et au revoir.

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